Numéro 2

Numéro 2 : « Les invisibles de la mémoire »
Année 2010

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Comité de rédaction :
Rédactrices en chef : Agathe Dumont / Elsa Polverel
Relectures édition : Valérie Nativel
Comité de lecture : Clélia Barbut / Thibaut Chaix-Bryan / Claire Conilleau / Claire Hennequet / Louisa Kadari / Cécile Martin /  Noémie Monier / Dorothée Serges / Élodie Vignon
Mise en ligne et conception du site : Guillaume Bourdely
Conception graphique, photographies, mise en pages : Claire Pacquelet (www.icietcote.fr) sauf dessins de la page 28 à la page 31 : © Hermano Lobbo

Sommaire :

Edito
Agathe Dumont & Elsa Polverel

La mémoire chez Marguerite Duras, entre absence et re-création : une image de l’écriture?
Lou Merciecca

Les chambres de lumière : dispositif de projection, emboitement bleu et poussière de mémoire
Lenice Barbosa

Troubles de la mémoire dans la poésie de Paul Muldoon : entre mémoire vécue et mémoire écrite
Alexandra Tauvry

L’activité socialiste d’Annie Besant ou les mécanisme de l’oubli individuel et collectif
Marie Terrier

Le remake : jeu de cache-cache avec une mémoire cinématographique
Gaëlle Philippe

Hemano Lobo (1972-1976) : le dessin humoristique au service de la mémoire sous Franco
Marine Lopata

Exploration d’une mémoire homosexuelle dans le cinéma underground américain
Julien Mustin

L’oubli, dialogue entre Sigmund Freud et Paul Ricoeur
Yaël Granier

Résumés des articles :

La mémoire chez Marguerite Duras, entre absence et re-création : une image de l’écriture?
Lou Merciecca

Dans les romans de Duras et dans ses écrits annexes, la mémoire a une place de choix, mais elle y est toujours  indissociable de l’oubli. L’oubli est mis en scène comme la condition  sine qua non de la mémoire. Dans les textes, il s’agit de recommencer toujours, comme pour la première fois,  à se souvenir,  se souvenir de  l’oubli ; dès lors la mémoire devient  un moyen de re-création. Mais elle est une forme  créatrice tendue vers sa négation, vers la disparition d’elle-même. Elle est de ce fait mise en scène dans les textes par le recours à une écriture minimale fondée sur des procédés stylistiques économes. La mémoire reproduit en cela la conception de l’écriture selon Duras. Nous montrerons donc en quoi la mémoire chez Duras et en particulier dans Le Ravissement de Lol V. Stein  reproduit  le fonctionnement de l’écriture durassienne, ses paradoxes et ses singularités.

Les chambres de lumière : dispositif de projection, emboitement bleu et poussière de mémoire

Lenice Barbosa
Ce texte est un essai autour de la mémoire et de l’amnésie collectives – qui affectent l’homme contemporain – sollicitées dans les œuvres Wide out (2008) de l’artiste James Turrell et Elégie orientale (1996) du réalisateur Alexander Sokurov. Il se construit à travers une analyse stylistique concernant les sensations esthétiques produites par ces projections chromatiques. En prenant appui sur les écrits de Georges Didi-Huberman, L’homme qui marchait dans la couleur (2001) et Gilles Deleuze, Image-Temps (2006), nous considérons que le néant créé à l’intérieur de ces chambres dévoile les affectivités et réveille l’inconscient en même temps qu’il anesthésie la mémoire et déroute toute conscience.

Troubles de la mémoire dans la poésie de Paul Muldoon : entre mémoire vécue et mémoire écrite
Alexandra Tauvry

L’écrivain contemporain nord-irlandais Paul Muldoon, bien que résidant actuellement aux États-Unis, ne cesse d’évoquer l’Irlande du Nord et ses souvenirs des Troubles, créant ainsi une mémoire hybride puisque mêlant et « emmêlant » à la fois son pays d’origine et son pays d’adoption. Cette mémoire n’est cependant pas sans failles. Les vides et les manques créent une certaine tension entre la mémoire réelle et imaginaire, la mémoire collective et personnelle, mémoires ainsi exprimées dans leur dimension la plus fragmentée. Poésie obscure mais aussi poésie tortueuse, Muldoon ne cesse de manipuler la mémoire à son gré quitte à troubler son lecteur, lequel est amené à décoder une écriture muldoonienne parfois infidèle et facétieuse.

L’activité socialiste d’Annie Besant ou les mécanisme de l’oubli individuel et collectif

Marie Terrier
L’activité socialiste d’Annie Besant au sein de la Société fabienne entre juin 1885 et novembre 1890 est souvent présentée de manière partielle. Son militantisme et son talent oratoire sont mis en avant, tandis que sa pensée et sa stratégie politiques sont rarement mentionnées. Les histoires officielles, en particulier, Une Autobiographie d’Annie Besant et L’Histoire de la Société fabienne d’Edward Pease ont contribué à rendre invisible cet aspect de son parcours. En tant que théosophe, Annie Besant décrivit son socialisme du point de vue éthique, laissant dans l’ombre les aspects politiques et doctrinaux. Edward Pease, secrétaire de la Société fabienne, hostile à la théosophie et imprégné de préjugés misogynes n’a pas souligné la singularité de sa pensée et de ses actions politiques. Pour des raisons différentes, Pease et Besant ont pourtant laissé dans l’ombre le même type d’événements qui sont toujours aussi absents de la mémoire des Fabiens.

Le remake : jeu de cache-cache avec une mémoire cinématographique
Gaëlle Philippe

Un remake se définit comme un film reprenant l’intrigue et les personnages d’un film antérieur. L’hyperfilmicité selon le terme de Gérard Genette du remake n’est constitutive que de la production du film et non nécessairement de son interprétation ou de sa déclaration. Ainsi, un remake reste un remake même en l’absence de connaissance de sa filiation. C’est alors cette tension entre souvenir et oubli du film original dont la pratique va tenter de profiter, avec des effets qui ne correspondent pas toujours aux désirs originels de ses instigateurs.Entre explicite et implicite au sujet de sa filiation, le remake joue alors avec la mémoire individuelle et collective mais n’en sort pas toujours vainqueur. Trois rapports distincts à la mémoire peuvent être provoqués volontairement ou non par le phénomène : l’oubli, le souvenir ou la commémoration. Il participe alors à l’édification d’une certaine mémoire cinématographique.

Hemano Lobo (1972-1976) : le dessin humoristique au service de la mémoire sous Franco
Marine Lopota

La dictature franquiste reste une période sombre de l’histoire de l’Espagne. Pendant quarante ans, le pays est plongé dans un bain de répression, de terreur, de privation des libertés individuelles et  frappé d’amnésie, car le régime refuse de reconnaître ses crimes. Cependant, durant le franquisme tardif, quelques tentatives visant à faire émerger la partie tronquée d’une mémoire officielle voient le jour. La revue humoristique Hermano Lobo est l’une d’entre elles. Pour dire l’interdit et ce que les mots ne peuvent exprimer, la revue privilégie la voie(x) du dessin. À travers les représentations subjectives de ses dessinateurs, elle acquiert une fonction symbolique subversive, qui contribue au travail de deuil, individuel et collectif, de toute une société face aux impensables de sa mémoire.

Exploration d’une mémoire homosexuelle dans le cinéma underground américain
Julien Mustin

En s’appuyant sur des films de l’Underground New-Yorkais, l’article se propose de regarder comment le souvenir et l’expérience, propre à chacun, donnent à la « mémoire » la possibilité d’interroger les normes. De cette mémoire intime, personnelle, que les cinéastes expriment en marge et en image, peut se développer une mémoire collective invitant, pour les films dont il sera question, à une ballade dans la fantasmagorie homosexuelle tout comme à une réflexion sur l’identité. De la représentation d’un imaginaire homosexuel fantasmé se réappropriant les codes de la norme au parcours difficile de diffusion, ces films emboitent le pas  au discours naissant  pour la revendication des droits des homosexuels.

L’oubli, dialogue entre Sigmund Freud et Paul Ricoeur
Yaël Granier

Il s’agira de confronter la conception ricœurienne avec celle du père de la psychanalyse afin de  présenter les débats actuels, notamment ceux concernant la gestion de l’histoire, le devoir de mémoire et les lois mémorielles. Ricœur souligne, dans son essai La Mémoire, l’histoire, l’oubli, les us et abus d’oubli qui sont opérés par la société afin de s’acquitter des fautes du passé. Dans le champ de la psychanalyse, Freud voit en l’oubli un processus qui échappe à la conscience du sujet, mais qui est aussi le résultat de conflits, cette fois-ci de pulsions. Par la philosophie et la psychanalyse, nous saisirons que l’enjeu social de la mémoire met en évidence des visions différentes sur le traitement de l’histoire individuelle et collective par les institutions mais surtout que la mémoire est une affaire d’oubli.

 

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